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T. Keller : « Et si l’avenir c’était la vieillesse » ?

Publié le20-10-2015

Thierry Keller est le rédacteur en chef d’Usbek et Rica, magazine de prospective s’intéressant au futur. Après des études de sociologie, il s’est investi dans la politique et la lutte anti-raciste avant de rejoindre le journal TOC. 5 ans plus tard, il rencontre le fondateur d’Usbek et Rica, et se lance dans l’aventure. Usbek & Rica collabore avec Génération Care depuis son lancement en novembre 2014, en écrivant de nombreux articles sur les tendances et les transformations liées à la révolution de la longévité.

L’avenir du vieillissement est un des sujets qui le passionnent, rien d’étonnant donc qu’il ait eu envie de participer à notre étude prospective, en intervenant le 5 novembre au matin. Il discutera notamment avec Pierre Calmard, auteur de « L’homme à venir », des évolutions de l’espèce humaine.
Un échange à ne pas manquer !


Génération Care
: Qu’est-ce qui vous a intéressé dans la démarche de Génération Care avec cette étude prospective ?

Thierry Keller : En fait, quand nous avons sorti la nouvelle formule d’Usbek & Rica début 2012, nous avons consacré un dossier à la question du vieillissement de la population au niveau mondial. Ce qui nous intéressait en particulier, c’était de retourner la perspective en regardant le taux de fécondité dans des pays qui ont du mal à renouveler leur population. Nous avions pris le parti de parler, plutôt que de surpopulation d’une planète qui va exploser à l’échelle 2050 ou 2100, de dire l’inverse. Que finalement on était plutôt entré dans un processus de dépeuplement dès lors que les taux de fécondité dans la plupart des pays sauf en Afrique étaient trop faibles. Voilà notre première connexion avec la grande question du vieillissement. La deuxième, c’est que je m’intéresse beaucoup personnellement à l’arrivée du baby-boomer au troisième âge. Il y a une dizaine d’années, il y avait eu une couverture du magazine « De l’air » avec Thierry Ardisson, qui déclarait qu’il ferait partie de « la première génération rock n’roll à entrer à l’hospice ». C’est une phrase qui m’avait marqué. C’est très intéressant d’observer, quand on est l’inventeur du concept de la jeunesse, quand on est né entre 1945 et 1955, comment on va « dealer » avec le fait de ne plus être jeune.


G. C.
: Que vous inspire alors le mot d’ordre « dans un monde qui change, vieillir est un futur à inventer » ?

T. K. : En tant que rédacteur en chef d’un magazine qui fait de la prospective, je m’intéresse beaucoup à la notion de corps, de corps augmenté, des progrès considérables de la médecine, de basculement vers une humanité 2.0 qui serait « upgradée » par la technologie et par l’idéologie du transhumanisme.
La quête d’immortalité est très ancienne. Elle vient historiquement des mythes grecs et en même temps de l’alchimie, avec la quête de la pierre philosophale et de la jeunesse éternelle.  Or on a un peu le sentiment aujourd’hui que techniquement et financièrement, c’est quelque chose qu’on pourrait presque toucher du doigt, techniquement par la fusion entre l’homme et la machine, et financièrement parce que des personnes importantes sont prêtes à investir des centaines de millions de dollars : cela veut dire qu’il se passe quelque chose et c’est passionnant à observer.

Avant, quand on devenait vieux, on était dans l’antichambre de la mort, alors qu’aujourd’hui on a encore 20, 30 années de bonne vie à vivre. Il y a une sorte de page blanche, et il va falloir qu’on écrive ce qui se passe. En particulier, est-ce qu’on va se recroqueviller dans des résidences pour vieux ou au contraire, est-ce qu’on va s’insérer dans la société, inventer des nouvelles manières de consommer, de produire, d’échanger, d’être encore actifs ? C’est intéressant aussi d’un point de vue de l’organisation de la société. On voit comment ces transformations touchent à des sujets comme le revenu de base ou le revenu universel : on décorrèle la question de l’emploi de la question de la rémunération, par exemple. Les gains de productivité permis par la révolution technologique, permettent de faire travailler la société des robots. Dans ce cadre-là, qu’est-ce qui va nous revenir à nous êtres humains ?  Et d’une certaine manière, alors que jusqu’à aujourd’hui les retraités étaient non seulement inactifs mais encore « inutiles », on se rend compte que peut-être c’est d’eux que va venir la nouvelle organisation de la société, grâce aux bonnes années qu’ils ont à vivre entre retraite et perte d’autonomie (et on peut encore vivre de belles choses après). Ce changement global d’organisation de la société surgit là où on ne l’attendait pas. On pensait que l’avenir c’était la jeunesse, peut-être que c’est la vieillesse en fait !

 

Propos recueillis par Sandrine Goldschmidt

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