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Sex & Sixty : le plaisir de vieillir

Publié le19-03-2015

Marie de Hennezel, psychologue, écrit depuis plus de dix ans des ouvrages qui mettent en avant le « vieillir heureux ». Dans « Sex and sixty », paru en mars 2015, et rebaptisé « L’âge, le désir et l’amour » à l’occasion de sa sortie en poche, elle montre que les seniors peuvent, contrairement aux idées reçues, avoir une vie amoureuse et sexuelle, à la fois différente et très diverse mais qui peut être source de plaisir. La sexualité c’est un peu comme en matière d’amour et de vie, cela dépend beaucoup de la capacité à être dans la posture de ce « vieillir heureux ». Elle nous l’explique dans cette interview.

 

Génération Care : Dans votre livre, vous réfléchissez aux freins à une sexualité-plaisir pour les seniors. Quels sont-ils ?

Marie de Hennezel : Je suis partie d’une enquête de l’Institut du Bien Vieillir sur le plaisir des seniors où j’ai noté que seulement 12% des + de 65 ans mentionnaient que faire l’amour faisait partie de leurs plaisirs alors que plus de 30% souhaiteraient que ce soit le cas. C’est la raison pour laquelle je me suis penchée sur les freins à la sexualité des seniors. Ils peuvent être liés à l’image que l’on se fait de ce que doit être la sexualité, en se disant que « cela ne serait plus de notre âge ». Il y a un frein qui tient tout simplement à l’image de soi, de sentir qu’on n’est plus désirable. La solitude évidemment joue également. Enfin, le vieillissement sexuel, des problèmes physiques, peuvent aussi rendre cela difficile voire douloureux.

 

G. C. : Ces freins ne sont-ils pas liés à des clichés sur la sexualité ?

M. d. H. : Il y a une dictature des normes de ce que devrait être la sexualité, le plaisir. Il faut avoir un certain look, être jeune, mince. On dit aussi qu’il faudrait forcément qu’un homme ait une érection. C’est une idée toute faite. J’ai approfondi ça dans mon livre en montrant que dans d’autres traditions ce n’est absolument pas un obstacle à l’intimité. Il y a aussi une norme sur la façon dont il faudrait faire l’amour, avec l’obsession de l’orgasme par exemple. J’ai interviewé des personnes vieillissantes qui me disent que ce qu’elles vivent est très éloigné de ce que disent les médias.  Elles parlent d’une sensualité qui est beaucoup plus vaste et que cette obsession de l’orgasme est une contrainte.

 

G. C : Quelle sont les clés pour une sexualité de plaisir après 60 ans ?

M. d. H. : D’abord, il ne faut pas chercher à retrouver ce qu’on a connu plus jeune. La sexualité change. Donc si on est fixé sur quelque chose qu’on veut absolument reproduire, on est perdu.
Par ailleurs, autant quand on est jeune on peut faire l’amour sans amour, autant je crois qu’en vieillissant le sentiment amoureux est plus important.
Il faut enfin renoncer à la sexualité-performance. Vivre ce qui est possible de vivre dans la rencontre. D’où une sexualité plus lente, plus sensuelle, qui prend son temps, s’adapte à ce qui est dans la relation. C’est une sexualité autre mais qui n’est pas moins bien. Certaines femmes disent même que c’est mieux.

 

G. C. : Que ce soit la sexualité, l’amour, la vie en général, ce sont les mêmes choses qui font qu’on a une vieillesse heureuse ?

M. d. H. : On retrouve les mêmes choses, c’est vrai. Le fait de ne plus se préoccuper du passé, de vivre le présent, et de ne pas se projeter dans l’avenir. Il faut lâcher prise, ne pas se mettre d’impératif et accueillir ce qui vient. C’est une grande clé dans la vie de tous les jours quand on avance en âge.
Et puis il y a la curiosité pour l’autre, pour la vie, qui est très importante.

 

G. C. : Vous donnez une autre image de la vieillesse, heureuse, curieuse, diverse, et aussi qui peut faire envie ?

M. d. H. : Il ne faut pas avoir peur d’avancer en âge. Il y a des gens qui m’ont dit que quand j’en parle, ça leur donne envie de vieillir : de savoir qu’on va voir les choses sous un autre angle, découvrir d’autres horizons, peut-être les vivre plus profondément.
Il y a une qualité qui ne vieillit pas, c’est la perception. Plus les personnes vieillissent, lorsqu’elles sont dans un accueil positif de la vie, plus elles savourent ce qu’elles vivent. Comme si, quand on était plus jeune et qu’on est dans un autre temps, plus pressé, plus contraint, on ne pouvait pas savourer autant. On a l’impression que la vieillesse avec le temps qui se dilate, la lenteur, la disponibilité, amène cette possibilité de percevoir de façon plus fine.

 

G. C. : Le regard sur la possibilité de vieillir avec plaisir est-il en train de changer ?

M. d. H. : Je pense que ce sont des choses qui commencent à se dire. Il y a toujours ceux qui disent que c’est de l’angélisme, que c’est affreux de vieillir. La difficulté c’est que dans notre société le vieillissement physique est vécu comme quelque chose qui ne peut être que source de souffrances et de désagréments. Comme il est inéluctable, c’est très difficile d’essayer de faire comprendre un paradoxe : il faut accepter des changements physiques qui ne sont pas agréables, ça c’est sûr, qui ne sont pas sources de plaisir, et en même temps se dire que si on part de ce qu’on ressent à l’intérieur, la lenteur, la disponibilité, le temps que l’on a, la sensibilité et dans la conscience que l’on a d’être vivant, il y a quelque chose qui est source de plaisir. Comme le disait ce vieil homme lors d’un séminaire :  « à l’âge que j’ai, un rien me fait plaisir ».

 

G. C. : Faut-il travailler au bien vieillir ?

M. d. H. : Dans la première partie de la vie, on met son énergie dans la construction de sa vie. A un moment donné, si on continue comme ça, on se trompe d’objectif. Il faut alors mettre cette énergie vers le Soi, la vie intérieure. Cela se fait progressivement. J’emploie l’expression de « travailler à vieillir » car il faut avoir compris ça et privilégier sa vie intérieure. Les gens qui ont une vie intérieure riche, quelle que soit sa source (musique, amitié, art,…), à partir du moment où c’est quelque chose qui les rend intérieurement joyeux, sont sauvés.

Propos recueillis par Sandrine GOLDSCHMIDT

sex&sixty
SEX & SIXTY

Un avenir pour l’intimité amoureuse

Parution : 19 Mars 2015
Nombre de pages : 216
Editions Robert Laffont / Versilio

 

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