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L’anti-vieux, un problème de fond / de teint

Publié le19-06-2015

« La beauté n’a pas d’âge » affiche en ce moment une marque de cosmétiques en même temps qu’elle souffle ses 40 bougies (ceci expliquant peut-être cela). Bien sûr, ce n’est pas ici que nous allons dire le contraire ; au contraire, ici, on applaudit : oui, ce que c’est beau les rides, et les cheveux gris, quelle classe ! Oui, sauf que « pour libérer les femmes de la pression de la jeunesse » la même marque ne leur propose rien moins que de « l’anti-âge ». Hmm, cherchez l’erreur…

Une belle peau est une peau jeune
Aussi lisse qu’éclatante, aussi douce que ferme, la peau jeune est le grand idéal de beauté que les cosmétiques ne cessent depuis des décennies d’afficher sous nos yeux, de plus en plus… matures. Cette peau jeune, bien sûr, n’est pas celle des éclats hormonaux de l’adolescence. Elle n’est pas non plus la peau des lendemains de fêtes, ni celle d’une alimentation trop souvent négligée. Non, cette peau jeune, c’est celle des aspérités gommées, celle des traits sublimés, celle des lumières bien placées. Cette peau jeune, en somme, est celle que nous n’avons jamais eue mais que l’on nous promet pourtant de retrouver.

Aux armes anti-âges
De fait, nous rêvons de cette sublime peau jeune, or, il est d’autant plus délicat de la « retrouver » qu’un grand ennemi la menace chaque jour un peu plus, nous disent les cosmétiques. Cet ennemi ? C’est l’âge. L’âge et son arme fatale : le temps qui passe. Le temps et ses effets ou, plutôt, le temps et ses méfaits, grands responsables du vieillissement cutané. Rides, taches, perte d’éclat et d’élasticité, à mesure que le temps passe, donc à mesure que l’on prend de l’âge, la peau baisse en performance, donc en jeunesse, donc en beauté : la peau se relâche, s’assèche, se creuse. Un vrai drame dans notre société. Un drame qui, toutefois, n’isole pas. A l’enseigne des soins de la peau, les femmes sont à égalité : il n’y a pas d’âge pour mener le combat anti-âge, toutes les femmes sont incitées à se battre, à vie, face à leur miroir.

De la prévention à la chirurgie en pots
Et c’est ainsi que, dès 25 ans, les « experts en anti-âge » recommandent de « prévenir les effets du temps, plutôt que les guérir ». Aussi posent-ils le vieillissement cutané comme une pathologie, détectable par ses symptômes, une maladie à laquelle on peut toutefois échapper grâce aux soins préventifs. La guerre anti-âge est donc clinique. Pour autant, si à 35 ans, faute sans doute de prévention, les premiers signes du temps apparaissent, la correction s’impose. Les marques soumettent alors leurs consommatrices à des diagnostics, afin de leur prescrire le traitement anti-âge adapté. Selon les cas, on rectifie, on repulpe, rebooste, redessine, on retend, on réhydrate, on raffermit, on redensifie… Le vieillissement cutané est une maladie chronique qui se traite au quotidien. Néanmoins, et malgré toute l’énergie passée (et le budget) à combattre les marques du temps, il est fréquent qu’à 50 ans et plus les « symptômes se généralisent ». Dans ce cas, les anti-âges passent à la frappe chirurgicale. Face à la « perte de volume », à la « perte de substance » et face à tous les signes caractéristiques de la peau mature, les effets lifting réparent, restructurent, reconstruisent. La guerre contre l’âge est intense, or les scientifiques sont là pour permettre aux cosmétiques de remporter la victoire.

De l’offensive à la défensive
La victoire des cosmétiques sera sans doute assimilée à la victoire des femmes, dont on ne manque pas de rappeler qu’« elles ne veulent pas vieillir ». Il faut dire que depuis des années qu’il est répété, le message est bien passé : « lutter contre le vieillissement cutané », « combattre les effets du temps », quelle femme ne voudrait pas sauver sa peau grâce aux anti-âges ? Le discours est même si bien intégré qu’il glisse progressivement du terrain de l’attaque à celui de la défense. Un discours plus soft, plus doux pour l’ego des femmes, mais d’autant plus insidieux qu’il ne montre plus son vrai visage. Qui pourrait en effet s’en prendre à une « Age Defense BB cream » ? Les cosmétiques ne pourront plus être critiqués parce qu’ils s’attaquent à la vieille peau, ils protègent la peau jeune, la peau de bébé, ils la préservent. Nuance.

Tout est sous contrôle
Eh oui ! La bonne nouvelle se répand de marque en marque : le temps a été capturé, le processus de vieillissement a été neutralisé, à sa source. Prison ferme pour l’un, ensevelissement total de l’autre. Aux commandes des opérations, toujours, les autorités scientifiques et leur discours de plus en plus technique, donc de moins en moins compréhensible, mais d’autant plus rassurant qu’il nous est expliqué dans les grandes lignes. En bref, tout se joue au niveau des cellules souches sur lesquelles les soins peuvent agir afin que la peau conserve toutes les propriétés de la jeunesse. Le vieillissement est ainsi réversible et la régénérescence possible : le rêve à portée de main (qui, quel que soit son âge, n’aura bientôt plus rien à trahir).

L’ère de la super-cosmétique
En réalisant l’impossible : arrêter le temps et offrir, à toutes, l’éternelle jeunesse, la cosmétique se positionne alors du côté des super-pouvoirs. Elle joue ainsi sur une tendance forte qui nous pousse, après l’ère de la performance (d’où elle vient elle-même, avec ses impératifs pour la peau de ne pas se relâcher, de ne pas montrer de signes de fatigue, de paraître toujours ferme…), à l’ère du super-héroïsme. Une optique plutôt très réconfortante, puisque le super-héroïsme permet d’être naturellement performant. Il implique le don magique, surnaturel, qui permet d’atteindre l’excellence sans effort. Les femmes n’auront bientôt plus à souffrir de ne pas être jeunes, puisqu’en quelques crèmes et lotions elles le resteront (ou le redeviendront), au plus profond de leur épiderme.

De la science au mystique
La guerre anti-âge touche à sa fin, les cosmétiques peuvent enfin flatter les femmes, même, et surtout, si elles ont plus de 40, de 50, de 60 ans (un impératif commercial). L’anti-âge devrait donc progressivement disparaître au profit du pro-âge, voire du super-âge, du supr’âge ou de l’âge parfait. Plus que cela, parce que les femmes sont et seront de plus en plus nombreuses dans la tranche d’âge (jadis) critique et attaquée, les cosmétiques peuvent même redoubler d’éloges et s’envoler dans le lyrisme. La science a pactisé avec la nature qui lui a révélé tous ses secrets, jusqu’à la dépasser. Le discours impénétrable des compositions chimiques des produits peut dès lors flirter sans complexe avec la poésie des accroches publicitaires. Ici, déjà, la consommatrice se voit offrir le « don de longévité » avec l’Or de vie, pur « chef-d’œuvre » du soin, là, elle devient tout simplement une « Divine immortelle ».

Une certitude pour l’incertain demain
Certains disent que l’Homme (donc la Femme) de 1000 ans serait déjà né(e). Comment avancerons-nous en âge alors ? Serons-nous encore des ados à 400 ans tandis que nous rentrerons dans la tranche des seniors vers 700 ans ? La vieillesse existera-t-elle encore ? Les plus âgés seront-ils plus écoutés, mieux installés ? Tout cela, nous ne le savons pas, or, ce que nous savons déjà, c’est que nous pourrons mourir sans rides, nos soins de beauté longévifs existent déjà.

Sarah Décarroux

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