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« Je suis une grand-mère présente mais libre »

Publié le24-02-2015

Mes grands-parents on me les a volés. On me les a tués à Auschwitz au nom d’une idéologie démoniaque, issue du demi fou qui dirigeait l’Allemagne pendant la Seconde guerre mondiale.
C’était juste avant ma naissance, je n’ai jamais connu mes grands-parents et cela m’a toujours manqué.

Quand je suis devenue grand-mère il y a 5 ans, assez tard puisque j’avais déjà 64 ans, c’était comme si je venais de recevoir le plus merveilleux des cadeaux, c’était magique, une toute petite vie qui m’appartiendrait un peu. Un petit mec pour lequel j’avais décidé de compter.

Après lui 2 autres garçons sont arrivés et puis enfin une petite fille. Maxime a 5 ans, Solal 3 ans, Sacha 2 ans1/2 et enfin Yona la petite princesse de la famille a 9 mois.

Par chance ils sont tous très près de moi géographiquement. Je les vois pour certains une fois par semaine, pour les autres tous les quinze jours, soit chez eux, soit chez moi où j’aime les réunir tous autour d’une bonne table. Je pense réellement que c’est le rôle des « ancêtres » de réunir enfants et petits-enfants.

Je veux être une grand-mère présente et je les garde le plus souvent possible avec bonheur mais je suis une grand-mère libre. Je ne veux pas être cantonnée à un rôle de baby-sitter. C’est mon choix. Et puis rien ne vaut la spontanéité et le désir partage de se voir. L’humain est ainsi fait que lorsqu’on l’oblige à faire quelque chose, il y prend beaucoup moins de plaisir. Et puis la technologie omniprésente  me permet de les voir, de leur parler, même quand ils sont loin.

Mon fils aîné et sa femme m’ont annoncé que j’allais être grand-mère lors d’un déjeuner dans un restaurant asiatique. Ils avaient caché un paquet cadeau sous ma serviette et malgré leurs yeux pétillants je n’ai rien compris avant de l’ouvrir. C’était une tétine sur laquelle était noté « J’aime ma grand-mère ». L’émotion que j’ai ressentie était si forte que je n’ai rien pu avaler. Je caressais cette tétine et j’essayais d’imaginer le bébé qui allait arriver…

Je sais que nous passons notre vie à revisiter nos souvenirs d’enfance. Je sais aussi à quel point ne pas avoir eu de grand-mère a été frustrant. Sans modèle allais-je réussir à être une bonne grand-mère ?

Une grand-mère c’est essentiel pour un enfant, elle représente la mémoire du passé, le souvenir de sa famille et d’un mode de vie différent. Elle est aussi l’arbre centenaire qui doit l’aider à se construire, lui, le petit qui est en train d’apprendre si difficilement à conquérir le présent.

Contrairement à cette phrase usuelle que j’ai souvent entendue « Ça ne me rajeunit pas d’être grand-mère », moi je pense le contraire. Etre grand-mère m’oblige à me dépasser. L’image de la grand-mère d’antan a bien changé. Personnellement devenir grand-mère m’a rajeunie et ce, depuis le tout début.
Changer leurs couches me renvoyait à la jeune mère un peu angoissée que j’étais avec les bébés que j’ai eus.

Recommencer à pouponner avec l’expérience acquise est une source de joies inexprimables.
Toutefois je suis persuadée que c’est la grand-mère qui se crée sa place elle-même. Une place originale ou « plan-plan », une place qui dépend beaucoup de la mère qu’on a été, voire même de l’enfant d’autrefois.

Lorsque je suis devenue mère, je fonctionnais à l’instinct avec mes enfants comme beaucoup de jeunes mères. Le métier de parent ne s’apprend pas, il se construit.

Être  grand-mère n’est ni un métier ni une obligation. C’est juste un sentiment, un bonheur qui t’envahit, qui déborde et qu’il faut apprendre à cadrer. Ces petits ne sont pas à moi, ils sont à leurs parents.  A moi de me frayer un chemin pour leur devenir indispensable. A force d’abnégation – eux ils repartent toujours – à force d’originalité – être différente de leurs parents –  leur donner l’envie d’être avec moi le plus souvent possible.

J’aimerais pouvoir leur apporter le goût de la mémoire des choses vécues par leur famille avant leur naissance.

Je voudrais qu’ils gardent en eux le souvenir des discussions que nous aurons eues  sur la vie passée,  présente et à venir, sans oublier le goût  des petits plats que je ne faisais  que pour eux…
Parce que c’est avec leur passé qu’ils construiront leur avenir. Moi, je n’ai pas pu le faire,
j’ai « bricolé ».

Je  suis une mamie seule depuis quelques années et je suis souvent triste mais jamais devant eux.  Aujourd’hui ce sont eux qui me réapprennent à vivre et à éclater de rire sans le savoir et moi, je voudrais leur transmettre des valeurs qui les suivront toute leur vie, comme, entre autres, le respect inconditionnel de l’autre.

Je voudrais juste les guider avec amour ces petits qui m’obligent à ne pas vieillir trop vite.
Et qu’ils soient encore proches de moi quand je serai devenue une très vieille dame est mon vœu le plus cher, mais je sais qu’il dépend entièrement de moi et de la relation que j’aurai su créer et construire avec eux depuis leur plus tendre enfance.

Je  m’y attèle de toutes mes forces…

Et si je n’avais qu’un seul message à leur faire passer, ce serait :
« Apprenez à écouter, sachez écouter ce qui vous entoure. Ecoutez ceux qui parlent, même s’ils ne vous parlent pas, écoutez tous les bruits de la nature, écoutez le bruit des vagues et le vent qui fait bruisser les arbres,  écoutez même le silence de la nuit, car c’est en écoutant qu’on apprend, vous verrez… »

Témoignage recueilli par Joëlle Guillais, romancière

 

 

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