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Le jardin, terreau de la mémoire

Publié le22-10-2014

Depuis 2 ans, les jardins thérapeutiques pour les malades d’Alzheimer fleurissent un peu partout dans les maisons de retraite, les parcs publics, les domaines. Alors que le tout médicamenteux révèle ses limites, le jardinage fait ses preuves. Reportage au Domaine de la Grange la Prévôté, à Savigny-le-Temple.

Il fait presque chaud au domaine de la Grange la Prévôté. Martine Peslerbes, animatrice du jardin thérapeutique, attend depuis un moment  son groupe de malades d’Alzheimer près de deux  potagers carrés : « la notion de temps se perd avec la maladie, il faut être patient. Mais une des vertus du jardin est  de les réinscrire dans le cycle naturel.»

« Le jardin fait remonter les souvenirs à la surface »
Au loin, une petite troupe se détache. Trois petites dames, joyeuses, accompagnées de Noémie leur aide soignante, approchent. La première arrivée, Madame Nicolas, gilet jaune, se remonte les manches «eh bien, qu’est-ce qu’on attend ? » Martine sort de sa brouette des plans de bourrache « C’est la plante qui symbolise le courage » lance-t-elle. Madame Dumont, corsage noir à poids blancs : «  eh bien quand on connaît le courage, il va falloir se montrer à la hauteur et biner ! » Les gestes des dames sont sûrs. Elles dépotent, grattent, plantent, arrosent : « J’avais une ferme dans le temps se souvient Madame Dumont. On y cultivait l’endive pour son chicon. Vous savez la pousse blanche que l’on mange ! ». Cette jovialité fait presque oublier la maladie. L’animatrice, les mains dans la ciboulette : « Le jardin fait remonter les souvenirs à la surface. Ces dames ont connu la terre. Une odeur, un goût, et c’est un pan de leur vie qui ressurgit ».

Le jardin thérapeutique est devenu un consensus
Un bénéfice inestimable, lorsque l’on sait que la maladie d’Alzheimer ne se guérit pas. En France, 860 000 personnes souffrent de cette affection. Le Plan Alzheimer 2008-2012  a mis dans son cahier des charges, la nécessité d’intégrer un jardin thérapeutique dans les maisons de retraite. Depuis deux ans, le nombre de jardins est en constante augmentation. Anne Chahine, présidente de l’association Jardins Santé qui œuvre pour l’établissement de jardins à visée thérapeutique dans les maisons de retraite confirme « Il y a encore 5 ans, lorsque nous parlions de ces jardins, on nous regardait avec des yeux ronds. Aujourd’hui, il y a consensus. »

« Les plantes sont de grandes sentimentales »
Retour au Domaine de la Grange la Prévôté. Madame Dumont ressasse son souvenir d’endives. Une manifestation de la maladie. Avec délicatesse, l’animatrice et l’aide soignante lui proposent de planter la dernière pousse. L’arrivée de Monsieur Ghislain, un autre patient, finit de détourner Madame Dumont de son souvenir : «  Les plantes, il faut les jardiner avec les mains. Ce sont de grandes sentimentales.» lance-t-il. Les dames rient et une conversation s’engage. Elle finira autour d’un thé. Une fois les plantations arrivées à maturité, Martine a prévu un grand repas, à la fin de l’été.

Trois questions à M Salandini, directeur de l’Ehpad Solemnes à Savigny le temple en Seine et Marne :Quelles sont les vertus des jardins thérapeutiques sur les patients ?
M. Salendini : Le jardin permet de baisser l’ampleur des troubles par un accompagnement sensoriel. Il apaise, stimule la mémoire, encourage l’autonomie, la communication, aide à la concentration et réintroduit le patient dans le rythme circadien. Le jardin ne soigne pas, mais il permet de réveiller des facultés endormies.Faut-il être formé(e) pour accompagner les malades au jardin ?
M. Salendini : Le jardin ne demande par spécialement de formation. En revanche, il en faut une pour accompagner les malades touchés par Alzeihmer. Ils peuvent se montrer agressifs lorsqu’on les contraint. Ils sont en fait sur la défensive. Il faut  être dans des stratégies de contournement. Et ça, ça s’apprend.Prescririez-vous le jardin pour tous vos patients ?
M. Salendini : Il faut que le jardin reste un plaisir. Certains patients n’aiment pas jardiner. Il ne faut pas les contraindre. Ceux qui apprécient ont été des pratiquants. Prenez Monsieur Ghislain ou Madame Dumont : tous deux ont été agriculteurs. Ils ont un rapport intime à la terre. Le jardin fait ressurgir des sensations vécues.

Alzheimer : plus de prévenance pour nos aînés fragilisés


http://www.savigny-le-temple.fr/content/domaine-grange-prevote
http://www.jardins-sante.org

Propos recueillis par Julie Debouville

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