C. Kulak : « C’est dans le Care qu’est le bonheur »| Life Plus
Life Plus > Blog > Soutenir les aidants > C. Kulak : « C’est dans le Care qu’est le bonheur »

C. Kulak : « C’est dans le Care qu’est le bonheur »

Publié le18-11-2014

Claudie Kulak a fondé « La compagnie des aidants », un site internet qui accompagne les aidants proches. Elle est par ailleurs Secrétaire nationale de MONALISA (Mobilisation nationale contre l’isolement des âgés). Pour elle, le Care est une valeur d’humanité qui existe déjà dans la société au travers des aidants mais elle n’est pas assez valorisée. Elle insiste sur le fait qu’aider les autres, c’est aussi du bonheur.

Génération Care : En quoi l’aidant familial est-il « care » ?

Claudie Kulak : En anglais, aidant se dit « caregiver ». Les aidants familiaux sont centraux dans le Care. Ils jouent un rôle considérable auprès de leurs proches qui souvent ne pourraient pas rester chez eux s’ils n’étaient pas présents.
L’aidant familial n’est pas un professionnel, il est auprès de son parent pour lui apporter le soutien nécessaire dans son quotidien. Il joue un rôle indispensable dans le parcours de soin, il doit s’occuper des questions administratives, fiscales, sociales, juridiques, il est à l’écoute des besoins qu’il doit bien souvent anticiper, et il est dans l’observation de son parent…

G. C. : C’est difficile d’être aidant ?

C. K. : Il peut y avoir des moments difficiles, lors de décision d’entrée en maison de retraite de son proche par exemple. Mais c’est aussi beaucoup de bonheur, en donnant et en recevant de celui à qui l’on apporte soin, amour et réconfort. On en sort souvent grandi, rempli, on a beaucoup à apprendre de nos aînés. Le Care, c’est gagner en humanité.

G. C : Le Care, est-ce aussi l’affaire de toute la société ?

C. K. : En premier lieu, je crois que le maintien à domicile ne peut être efficace que s’il y a un couple aidant professionnel et aidant proche autour de la personne. Ensuite, à l’échelle du territoire, on sait que tout un tas de gens gravitent autour du Care. Tous ces métiers du social, paramédical, de l’aide à domicile, ce sont autant de personnes qui travaillent pour le maintien à domicile.

Il y a par ailleurs quantité d’initiatives qui vont dans le sens du Care, comme le réseau de Mobilisation nationale de lutte contre l’isolement des personnes âgées (MONALISA) dont je suis Secrétaire nationale. Monalisa rassemble beaucoup d’associations qui agissent très concrètement sur notre territoire. Des collectifs de bénévoles se créent pour apporter leur soutien et rompre l’isolement des âgés. Là on est totalement dans le Care. Dans cette idée de regarder autour de nous, repérer des gens en situation de fragilité ou d’isolement, et d’apporter des réponses adaptées pour que la personne retrouve la gaité, le bonheur, le lien social.

G. C. : Est-ce que notre société manque de Care ?

C. K. : On voudrait nous faire croire depuis des années qu’on est tous des égoïstes, qu’on vit chacun pour soi, qu’il n’y a que l’argent, le pouvoir, qui nous intéressent : ce n’est pas vrai ! Dès lors qu’on sort un peu, qu’on va voir ce qu’il se passe sur les territoires, on découvre qu’il y a de la proximité, du lien social, que les gens s’entraident, échangent.

Il y a au quotidien des millions de Français qui se mobilisent pour leurs proches, qui sont dans le bénévolat, qui s’engagent dans l’humanitaire ou qui s’occupent de leurs voisins. Personne n’en parle, parce que c’est finalement quelque chose d’assez naturel, assez « normal ».
Aucune de mes amies ne laisse mourir son grand-père ou son parent malade, ou ne s’intéresse pas à son voisin !

G. C. : La société Care reste donc invisible ?

C. K. : Tous les jours on milite pour qu’il y ait une reconnaissance de l’engagement des aidants auprès de leurs proches. On voit dans la loi sur l’adaptation de la société au vieillissement des efforts qui sont faits sur le financement du répit mais il faut aller plus loin parce qu’il y a des aidants qui doivent concilier leur vie professionnelle et leur vie privée et que cela peut être très compliqué. 100 km séparent en moyenne l’aidant de son proche. Il faudrait envisager la possibilité pour les aidants d’avoir des congés spécifiques quand un proche a besoin d’eux.

G. C. : Etre « Care », n’est-ce pas finalement changer de regard sur la société ?

C. K. : Le problème, c’est que les médias ne parlent que des horreurs, les vols, les viols, la corruption… et pas de ce qu’il y a de beau.
Il faut réhabiliter la gentillesse, la compassion. Il faut aspirer à une société de la bienveillance, de la solidarité, de l’échange, de la complémentarité, du bonheur retrouvé ensemble. Pour moi c’est dans le Care qu’est le bonheur.

Je me rappelle du regard de ma tante quand elle est sortie de l’hôpital, qu’elle est arrivée chez elle, et que j’avais dû ranger son appartement pour qu’il soit accessible. Elle s’est assise dans son fauteuil, elle m’a regardée, elle avait les larmes aux yeux. Ce regard-là valait tous les cadeaux du monde.

Propos recueillis par Sandrine GOLDSCHMIDT

Tags : Soutenir les aidants