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A. de Vivie : « Le Care, c’est vieillir debout »

Publié le20-10-2014

« Le Care c’est un regard sur l’autre et un questionnement permanent sur soi. » Annie de Vivie a fondé le site internet  Agevillage.com. Elle a ensuite rencontré les fondateurs de la philosophie du soin de l’Humanitude®, Yves Gineste et Rosette Marescotti , qu’elle a décidé de promouvoir. Voici sa vision du « Care ».

Qu’est-ce que le Care ?
Le « Care », c’est d’abord une question de regard sur l’autre. Un questionnement sur ce que je suis, sur ce qui dans ma relation à l’autre  risque de l’empêcher d’être autonome. Ensuite, c’est la mise en place de protocoles et de techniques pour « prendre soin », des façons de faire et des organisations qui évitent des grands écarts entre ce que je voudrais faire et ce que je fais.

Le « Care » vient donc en complément et en accompagnement du « cure » (soigner pour guérir) et contient une notion d’empathie, comme l’Humanitude que nous développons. Après avoir créé Agevillage.com en 2000 pour accompagner et soutenir les personnes par l’information la plus utile et la plus proche possible des besoins, j’ai rencontré les fondateurs de la philosophie de l’Humanitude. C’est une philosophie du lien, du soutien et de l’accompagnement dans laquelle chacun est considéré comme quelqu’un d’autonome à vie. Même si votre cerveau ne va pas bien, c’est vous qui faites vos propres choix et qui savez le mieux ce qui est bon pour vous.

Le « Vieillir debout » s’est imposé comme la ligne éditoriale d’Agevillage, avec l’appui de l’Humanitude : debout dans tous les sens du terme, debout dans sa tête, physiquement, debout en tant que citoyen et debout parmi les autres. Encore aujourd’hui, lorsque l’on souffre des pathologies neuro-dégénératives qui entraînent des comportements particuliers, les personnes peu habituées à ce genre de situation  basculent très vite dans le soin de force ou le non respect humain. La force de l’Humanitude c’est de limiter ce risque et d’apporter des réponses au maximum de situations de crise. Cela concerne toutes les personnes amenées à aider, professionnelles ou aidants familiaux.

Information et nouvelles technologies peuvent-elles venir en appui du « Care » ?
Le « Care » étant une réflexion permanente sur le maintien de l’autonomie et de la vitalité profonde des personnes vivant debout, il leur faut pour pouvoir rester autonomes, disposer de sources d’information pour connaître leurs droits, comprendre et faire face à la situation et trouver l’environnement le plus ajusté et bienveillant possible.

Chez Agevillage.com, nous sommes très favorables aux technologies, d’autant plus que de nouveaux outils arrivent (tablettes, smartphones…) qui permettent aux personnes, même au très grand âge, d’apprivoiser facilement l’accès à l’information. Il y a de formidables initiatives dans les maisons de retraite avec les tablettes ou la télévision interactive : les personnes âgées sont en lien avec leur famille par leur télécommande et peuvent à tout moment entrer en contact avec elle.

Les systèmes d’information aussi sont indispensables au « Care » pour partager l’information en équipe, avec les proches et la personne concernée. Un dossier de soin accessible, à jour, permet un soin adapté et personnalisé. Enfin la robotique elle aussi peut être utile si elle n’est pas là seulement pour faire gagner du temps, faire des toilettes « automatiques » et éviter les contacts humains. Les technologies peuvent être utiles et intelligentes. Mais une charte éthique s’impose. Ce ne sont que de malheureux outils qui, dans les mains de mauvais ouvriers, font la pire des choses.

Quelles sont les barrières à l’avancée du « Care » ?
J’ai vraiment l’impression que le « Care » avance : il me semble que nous avons de plus en plus d’oreilles attentives à notre discours. L’évolution démographique presse, les besoins s’amplifient et les regards trop souvent condescendants sur les approches non médicamenteuses le sont de moins en moins. La pression de la demande fait que les barrières commencent à lâcher. Mais il en reste de très coriaces.

 D’abord, l’âgisme. On ne considère pas totalement l’humain âgé comme un être humain. La personne devient un petit homme ou une petite dame, avec ses maladies. On ne lui parle plus de la même manière, on la traite mal et il est souvent difficile de ne pas céder à ce comportement. Dire autre chose, c’est aussi rencontrer de fortes résistances : les fondateurs de l’Humanitude affirment que le vieillard dément, en fin de vie, est autonome dans le sens où il peut faire ses choix, il est capable de communiquer avec nous : pas avec des mots, mais avec une attitude. Il peut hurler, crier, se débattre, se recroqueviller. Il nous faut apprendre à l’entendre, trouver du sens, et rechercher la relation jusqu’au bout.

La deuxième grosse barrière, c’est la puissance médicale : la personne devient une pathologie, un manque, un problème. Elle est d’abord une maladie avant d’être une personne. Et on ne voit plus chez elle que ce qui ne va pas, on ne voit plus les capacités restantes. Comment peut-on vivre en étant considéré(e) de la sorte ? Changer cette façon de voir, c’est une énorme révolution qui reste très difficile à mettre en place.

Enfin, il y a une barrière institutionnelle, toujours en tuyau d’orgue (le soin d’un côté, le médico-social de l’autre). Nos modes de fonctionnement budgétaires font que plus vous prenez soin de personnes grabataires, lourdement handicapées, plus vous recevez d’aides. Donc si l’autonomie globale s’améliore, les dotations en soins diminueront. 


Allons-nous vers une prise de conscience « Care » ? 
Il y a une prise de conscience citoyenne de la nécessité du « Care » : nous commençons à bien comprendre qu’on va vivre 100 ans et que c’est mieux de commencer tôt à prendre soin de soi mais également des autres. La société commence à jeter les bases pour faciliter le « prendre soin », le « Care » entre concitoyens. C’est par exemple ce qu’il se passe avec la mise en place du réseau MONALISA (mobilisation contre l’isolement des âgés). Avec cette prise de conscience, chaque personne âgée pourra faire appel à des personnes compétentes de manière bénévole ou pas, et dans le respect de son autonomie. Une société idéalement « Care » serait donc une « société mieux-veillante » pour tout le monde !

Propos recueillis par Sandrine GOLDSCHMIDT

 

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