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« Un bon design est un design universel »

Publié le07-07-2016

Le design est un sujet qui revient régulièrement lorsqu’on parle économie du vieillissement, notamment en essayant de mettre un peu d’esthétique dans les objets produits. Mais si l’esthétique a bien des vertus, c’est avant tout un design universel que réclament les baby-boomers. Emmanuel Thouan, fondateur et directeur de Dici Design le fait dans son entreprise et le promeut auprès des acteurs de la Silver Valley. Une démarche essentielle pour le développement du secteur.


Génération Care :
Quel est l’intérêt d’un produit « bien designé » ?

Emmanuel Thouan : Le design ne se limite pas au dessin du produit. Il s’agit de concevoir un produit sous tous ses aspects, en partant de l’identification du besoin. Nous disons aux entreprises qu’il faut vérifier que leur produit correspond à un besoin identifié, autour de problématiques humaines. Souvent, le marketing ces dernières années a voulu créer des produits en fonction d’un prix de marché visé, nous disons qu’il faut d’abord se concentrer sur l’identification du besoin, et ensuite fixer un prix.


G. C :
Quelles sont les particularités du design pour les seniors ?

E. T : Un bon design est un design universel. La conception doit être centrée sur l’utilisateur mais également correspondre à tous les segments plutôt qu’être déclinée en fonction de l’âge, du sexe ou de la capacité d’achat. L’important est de donner de la facilité d’usage et de compréhension à un produit ou un service.


G. C :
Il ne faut donc pas faire de « produits spécifiques pour les seniors » ?

E. T : Ce qui freine l’acte d’achat, c’est la stigmatisation de l’individu et du consommateur. Un objet ou un produit fait pour les vieux ne sera acheté par personne. On n’a pas toujours l’âge qu’on a… mais l’âge de son comportement. Il existe des jeunes de 25 ans qui ont un comportement de personnes âgées et des personnes de 65 ans qui agissent comme s’ils avaient 18 ans. Pour réussir, il faut faire un produit pour tous qui correspond aussi pour partie à des besoins fondamentaux des personnes en situation de fragilité.


G. C :
Le design universel n’est-il pas alors en contradiction avec une filière « silver economie ?

E. T : En quelque sorte, si. Là encore, cela vient du marketing : on met les gens dans des cases et à partir d’un certain âge on devient «silver». Longtemps on a trop segmenté. Il faut faire des espaces qui correspondent à tous les moments de la vie, à tous les usages quelle que soit la structure. C’est vrai pour les Ehpad. Quand on rentre dans un Ehpad, on voit de grandes poignées de porte et de grandes portes. Cela stigmatise parce qu’on n’a pas ça partout. Si on avait mis les mêmes poignées de porte pour tout le monde, ce serait mieux. Quand je rentre chez moi avec ma poussette, mes enfants et mes cabas, si je pouvais ouvrir ma porte avec le coude je serais vraiment aidé. Mais on ne l’a pas fait parce que c’était pour les plus âgés.


G. C :
Le design, c’est donc bien plus que l’image qu’on en a, à travers les figures les plus connues, comme Starck et d’autres ?

E. T : C’est un vrai problème, très français. Je ne suis pas contre le design du style de celui qui est enseigné aux Beaux-Arts. Mais une table à 16.000 euros c’est un objet d’art, pas un produit pour tout le monde. C’est la différence entre style et design. Le style, c’est de la mode. On en a besoin. Mais le design, c’est beaucoup plus.


G. C :
La solution aux problèmes de la silvereco n’est donc pas l’esthétique ?

E. T : La solution n’est pas de faire de beaux objets. Ce qui compte, c’est que la réponse soit en harmonie avec le besoin. Cela peut passer par l’esthétique, mais aussi être en termes de design numérique, d’interface, d’expérience, de modèle économique.


G. C :
Vous pensez que toute la société évolue vers le design universel ?

E. T : Cette évolution vers une conception en fonction des besoins, correspond aussi à une nouvelle génération d’entrepreneurs, de styles de projets, collaboratifs, éco-conception, économie de partage. Bien sûr, l’entreprise a vocation à être rentable mais surtout à répondre à un besoin sociétal, et le design universel en est un. Quand on interroge les jeunes, comme « ouishare » ou « la ruche qui dit oui », c’est ça leur objectif : mettre en place un système qui serve à la société avec un grand S.

Propos recueillis par Sandrine Goldschmidt

 

 

 

 

 

Tags : Bien-Vieillir : Vie pratique